Rétrospective – Gundam Wing (1995)

À une époque où l’atmosphère devient un peu plus anxiogène chaque jour, j’ai innocemment fait la découverte de Mobile Suit Gundam Wing. Le retour de Gundam à une intrigue dramatique après le décomplexé Fighter G Gundam, la série parvient à proposer quelque chose d’original tout en marchant dans les pas de ses illustres prédécesseurs et en s’inscrivant avec brio dans les problématiques de son temps. Si aujourd’hui certains éléments peuvent nous échapper, surtout à nous Européen.ne.s, tout cela était beaucoup plus limpide pour le public japonais lors de sa diffusion de 1995 à 1996. 


Depuis plusieurs années, des colonies spatiales orbitent autour de la Terre. Cependant, l’Alliance Terrestre accrut sa puissance militaire et étend son autorité en annexant les colonies l’une après l’autre. Pour lutter, cinq colonies envoient cinq Gundam et leurs pilotes sur Terre pour s’opposer à l’Alliance, et en particulier à son bras armé : OZ. La mission s’avérera plus complexe que prévu, et les rapports de force vont rapidement changer, notamment avec l’intervention de la jeune pacifiste Relena Darlian.


Lueur éternelle

En 1979, le public japonais découvre la série animée Mobile Suit Gundam de Yoshiyuki Tomino par le studio Sunrise. Bien que les audiences ne soient pas excellentes, la série est portée par des fans dévoués, lui permettant d’atteindre un statut culte. Dans les années 1980, c’est toute une culture qui se développe autour de cette franchise. Deux nouvelles séries sont produites, Mobile Suit Zeta Gundam (1985-1986) et Mobile Suit Gundam ZZ (1986-1987), un long métrage et plusieurs romans et mangas. La société Bandai commercialise également les gunpla, des figurines à monter qui s’avèrent déterminante dans le succès financier de la franchise. Toutefois, les événements ne sont pas voués à rester au beau fixe.

Poster du film Mobile Suit Gundam F91

La fin des années 1980 est une période de changement pour le Japon, symboliquement marqué par la mort de l’empereur Hirohito le 08 janvier 1989. Cela met un terme à ce que l’on appelle la période Shōwa et le début de la période Heisei portée par le nouvel empereur Akihito. De nombreux créateurs y voient l’opportunité de renouveler leurs histoires et leurs personnages. Une occasion rêvée pour Sunrise qui souhaite fêter le dixième anniversaire de sa franchise en lançant la production d’une nouvelle série animée sobrement nommée Gundam Heisei pour le moment. Tomino revient à la réalisation de ce projet, qui doit définir le nouveau visage de Gundam pour les dix ans à venir. Cependant, à cause de facteurs liés au paysage audiovisuel du moment, la production change brusquement pour devenir un long métrage nommé Gundam F91. Ce changement entraine des retards dans la production. D’autant plus que Tomino réalise de nombreuses réécriture et peine à écrire la fin du film. Lors de sa sortie en mars 1991, plusieurs scènes sont inachevées et ne sont complétés que pour la sortie vidéo en décembre 1991.

Malgré la promesse de prolonger l’univers de cette nouvelle histoire en série animée, Gundam F91 ne convainc pas. En coulisse, Bandai est sur le point de racheter le studio Sunrise et demande la production d’une nouvelle série pour la télévision pour vendre de nouvelles figurines. Ainsi que commence la production de Mobile Suit V Gundam. Une fois de plus, l’ambition est d’imaginer un nouveau départ pour la franchise et de toucher une audience plus jeune. Une fois de plus, la production est perturbée, notamment par la situation économique du Japon. En effet, la fin des années 1980 marquent le début d’une décennie de crise socio-économique connue aujourd’hui sous le nom de décennie perdue. Bien que la série permette d’augmenter les ventes de figurines, elle ne parvient ni à atteindre les 10 millions d’unités vendues espérées, ni à toucher le public cible. Ce résultat, décevant pour les producteurs, entraîne l’annulation de la prochaine série Gundam, Polca Gundam, au profit d’un autre projet différent des précédents : Mobile Fighter G Gundam. La série prend place dans un univers alternatif et abandonne le sérieux des conflits militaires pour se concentrer sur des combats entre Gundam représentant des nations (au moment de la production, Street Fighter connaît une importante popularité). L’aspect Real Robot est mise en suspens pour revenir à du Super Robot, ce qui déplaît à de nombreux fans. Pour défendre ses choix, le réalisateur Yasuhiro Imagawa affirme sa volonté de ne pas vouloir faire « une copie d’une copie d’une copie » et de proposer sa propre vision de Gundam. Ces critiques emmènent Bandai/Sunrise à requestionner leur choix quant à l’avenir de la franchise.


Les Citoyens du monde

Outre la crise économique, le Japon est aussi bouleversé par de nombreux débats sur la place de la nation dans le paysage international. Ces questionnements débutent avec l’éclatement de la guerre du Golfe en 1990. Alors que le gouvernement japonais s’attendait à ce que les puissances occidentales soutiennent les forces locales sans s’impliquer directement, il est mis face à un dilemme lorsque les États-Unis envoient des troupes sur place après approbation de l’ONU. Les regards se tournent vers l’archipel dans l’attente qu’elle apporte à son tour un soutien militaire. C’est une position délicate puisque la constitution japonaise, rédigée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, stipule que le pays « renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation ». Ainsi, le pays n’adopte qu’une posture défensive (justifiant la création d’une armée d’autodéfense en 1954) et refuse de s’affirmer comme une puissance militaire. Cet article de la constitution, que certains partis politiques espèrent supprimer, est au cœur des débats. Finalement, des troupes japonaises sont envoyées au golfe Persique en 1991. En 1992 et 1993, des troupes sont déployées au Cambodge dans le cadre d’une opération de maintien de la paix mise en place par l’ONU. Les opérations vont se succéder : Mozambique (1993-1995), Syrie (1996), Turquie (1999). La politique japonaise connaît des bouleversements, avec notamment une importante crise au sein du parti socialiste. Elle entraîne la dissolution du groupe en deux partis (le parti démocrate et le parti social-démocrate) en 1996. Notons aussi la création de Nippon Kaigi, un lobby d’extrême droite faisant pression pour que la Constitution soit révisée. Parallèlement, les mouvements pacifistes s’intensifient en s’axant autour du mouvement contre le nucléaire, les bases militaires américaines à Okinawa, les violences faites aux femmes et dans la lutte pour la défense de la Constitution. Ils étendent leur lutte à l’international en travaillant avec des ONG plutôt qu’en se liant à des partis politiques de gauche. À cela s’ajoute une prise en considération plus importante des luttes féministes qui accuse le gouvernement japonais de complaisance concernant les femmes de réconfort (un sujet encore d’actualité en 1995 après le viol d’une écolière de 12 ans par trois soldats américains à Okinawa).

La société japonaise se questionne aussi sur l’émergence de la culture numérique et ses répercussions sur nos sociétés humaines. Un thème souvent questionné dans les œuvres cyberpunk et remis sur le devant de la scène avec le développement de nouvelles technologies et d’internet, et le succès au cinéma de Terminator 2 en 1993 et Ghost in the Shell en 1995. On se questionne sur la définition de l’âme, le développement de l’intelligence artificielle et le possiblement remplacement de l’humanité par des machines. Une crainte que l’on verra plus largement dans la seconde moitié des années 1990, alors qu’une partie de la population japonaise rentre dans une paranoïa liée à la fin du siècle.


Le défi

Après les déceptions de F91 et Victory, la faible réception de Fighter G (encore en cours de diffusion), et dans ce contexte social tendu, Bandai/Sunrise doit réussir à produire sa prochaine série Gundam. La société n’a pas oublié sa volonté de proposer une nouvelle vision de la franchise pour séduire une nouvelle génération et enfin marquer positivement le renouveau de la période Heisei. Comment allier réussite financière et critique ? Les ventes de figurines sont le nerf de la guerre, mais la réussite de cette entreprise dépend énormément de la réception de la série l’accompagnant. Pour commencer, les adolescents sont désignés comme la cible d’audience, plutôt que les personnes ayant découvert la série dans les années 80 (désormais majoritairement trentenaire ou quarantenaire). Il s’agira d’un nouvel univers et ne sera pas lié aux précédentes séries. Sunrise désire insuffler à la fois l’essence de la franchise, et le modernisme dont elle a besoin.

Affiche promotionnelle pour la série Fighter G Gundam

La composition de la série est confiée à Katsuyuki Sumisawa, principalement connu à l’époque pour son travail de scénariste sur Dragon Ball Z et qui sort tout juste des productions de Macross 7 et Sailor Moon. Il travaille avec le producteur Hideyuki Tomioka, qui s’impliquera dans chaque création en lien avec Gundam Wing. Dès le début, il est décidé d’avoir un groupe de personnages principaux comme Fighter G, afin de proposer plusieurs modèles de figurines à la vente. Bandai souhaite également que la série propose des mecha capable de se transformer. Pour la réalisation et l’écriture, Sunrise fait appel au réalisateur Masashi Ikeda. Ce dernier travaille actuellement sur des OVA après avoir quitté la pré-production du long métrage Street Fighter II. Comme pour Masashi Yasuhiro Imagawa sur Fighter G, le studio lui laisse (plus ou moins) carte blanche pour imaginer son univers Gundam. L’écriture du projet débute à l’automne 1994, à peine six mois avant le début de la diffusion prévue pour avril 1995. L’ébauche des 40 premiers épisodes est rédigé en une semaine environ par Ikeda. Il imagine les personnages, et l’histoire après avoir visionné l’ensemble des précédentes séries Gundam. Son objectif est de proposer une synthèse des thématiques de la franchise. À partir de cette base, le character design est imaginé par Shukō Murase qui vient lui aussi de travailler sur celui du film Street Fighter II.

Mobile Suit Gundam Wing en couverture du magazine Monthly Newtype.

On retrouve ainsi différent élément emprunté aux précédentes séries (que je détaillerai plus tard). Les Newtypes devaient être intégrés à l’histoire, notamment le pilote du Gundam-05, mais cet élément n’est finalement pas conservé. De même, Noin devait à l’origine être un personnage masculin rappelant Garma, avant d’en faire une femme et de développer une romance entre elle et Zecks. Chaque personnage du quintette principal est pensé de façon indépendante pour ne pas avoir de personnage principal. Il n’est donc pas rare de voir un personnage disparaître de l’intrigue pendant plusieurs épisodes, particulièrement Heero, pour permettre aux autres de se développer et de nouer des relations entre eux. Ce traitement diffère de celui de Fighter G où chacun est lié à Domon qui apparaît dans chaque épisode. Malgré tout, le ton particulier de la série et les changements qu’ils opèrent par rapport aux précédentes séries ne manquent pas de créer certaines tensions avec des producteurs de Bandai ou du distributeur. Le choix des acteurs et actrices est notamment la source de quelques différents. L’équipe de production parvient tout de même à imposer ses idées, en particulier celle de sacrifier son personnage principal au bout de quelques épisodes ou d’inclure un cadre scolaire au début de la série. Néanmoins, la série s’avère d’ores et déjà prometteuse et reçoit de bons retours critiques lors de la projection du premier épisode en avant-première pour les cadres de Sunrise.

Mobile Suit Gundam Wing reçoit d’excellente critique lors de sa diffusion à partir d’avril 1995, juste après la fin de Fighter G. Évidemment, cette diffusion est accompagnée d’une importante campagne promotionnelle dans les magazines de l’époque, d’autant plus pour marquer le grand retour d’une série Gundam classique bien que n’étant pas intégré à l’Universal Century. Toutefois, la production aurait connu certains remous lors de la diffusion de la série. En effet, il semblerait qu’Ikeda ait quitté son poste de réalisateur en octobre 1995, peu de temps après la diffusion de l’épisode 26. Les raisons de ce départ ne sont pas connues. Il s’agit probablement d’un départ volontaire, mais d’autres rumeurs indiquent que Ikeda aurait été renvoyé de Sunrise. Il est remplacé par Shinji Takamatsu bien que celui-ci ne soit jamais crédité. Il est possible qu’Ikeda ait négocié avec Sunrise pour que son nom reste au générique compte tenu de la popularité de la série. Une faveur que le studio lui aurait accordée pour se faire pardonner de l’avoir retiré de la réalisation de la série Les Samouraïs de l’éternel en 1988. L’épisode final met plus d’un mois à être écrit à cause des nombreuses hésitations de Sumisawa.


Les Héritiers

Mobile Suit Gundam Wing accorde avec justesse ce qui fait le cœur de la franchise avec des thématiques contemporaine. Comme nous l’avons vu précédemment, la série a été pensée comme une sorte de melting pot des précédentes séries et reprend de nombreux éléments marquants. Pour faire un résumé non exhaustif : Zechs renvoie évidemment au personnage de Char, avec une sœur secrète rappelant la relation avec Sayla ; l’implication d’OZ dans l’Alliance évoque le rôle de Titans dans la Fédération ; le système Zéro est une évocation du Psycho Gundam ; la chute du Libra et du Peacemillion sur Terre rappelle celle de l’Axis ; le rôle politique de Relena évoque celui de Cecily Fairchild ; le début sur Terre rappelle celui de V Gundam, etc. Wing dégage ainsi une sensation familière tout en étant très différente de ce que l’on a auparavant vu dans la franchise. On peut véritablement parler d’une réinterprétation de Gundam à travers le prisme de la société japonaise des années 1990. Ce prisme déforme la franchise pour nous donner une œuvre dans l’air de son temps. Une sorte de remake avant l’heure. Toutefois, la série ne manque pas de défauts. L’un des plus marquants est le manque d’empathie que le spectateur peut avoir envers Heero. Trop froid, trop puissant, trop habile. La série peine à justifier les capacités exceptionnelles du personnage qui semble tout accomplir sans effort. Finalement, le seul moment où l’un craint pour lui et lorsqu’il se met lui-même en difficulté plutôt que lorsqu’il affronte ses ennemis. Cette critique s’applique aussi, dans une certaine mesure, à Trowan et Wufei. Il est aisé de comprendre pourquoi Duo est l’un des personnages préférés des spectateurs, tant il paraît plus humain et agréable. En soi, la série ne trahit pas l’esprit de la franchise puisqu’il est courant de constater que les personnages secondaires ou les antagonistes sont les plus intéressants. En l’occurrence, cela s’applique surtout à Treize, Zechs, Lady Une et Noin. À l’équation s’ajoute Relena, qui supporte la quasi-intégralité du message de la série.

Le masque de Zechs se brise


La Guerre des Peacecraft

Comme nous l’avons vu précédemment, le Japon traverse une crise importante et se questionne sur la possibilité d’intervenir militairement à l’étranger. Un débat qui voit la montée tout autant de l’extrême droite nationaliste que des mouvements pacifistes de gauche. La principale force de Gundam Wing est de parvenir à appliquer avec justesse la représentation de ce débat qui pourrait évoluer en combat armé. La justesse de cette représentation tient du fait que chaque partie est représentée avec toutes les nuances que cela peut entraîner. On découvre ainsi qu’il n’y a pas de factions strictes, mais plusieurs courants de pensées qui peuvent s’affronter et se rejoindre sur certaines idées. Cet aspect était déjà présent à travers certains personnages des premières séries Gundam, comme évidemment Char/Quattro ou Haman Karn, mais il touche beaucoup plus de personnages dans Gundam Wing. Au fil de l’histoire, les partis se précisent de plus en plus, suivant de nouveaux leaders ou faisant sécession. Cela peut amener à une certaine confusion dans la compréhension du récit pour les spectateur.trice.s les moins attentif.ve.s. D’autant que la série s’amuse à brouiller les frontières du manichéisme et l’on se prend à avoir de la sympathie, ou du moins à comprendre, des personnages que l’on considérait il y a peu de temps comme des adversaires. Ce flou sur la définition d’allié et d’ennemi rentre au cœur du message sur l’absurdité de la Guerre, d’autant plus de la guerre pour instaurer la paix. Ce message est celui véhiculé par Relena. Bien que cruellement absente pendant plusieurs épisodes, elle marque son grand retour dans la seconde partie de la série. Le message pacifiste devient explicite et est prononcé sans retenu. Par ailleurs, le choix d’une jeune adolescente est aussi marquant pour symboliser les luttes féministes plus présente à son époque. Et bien qu’elle soit mise en danger, elle n’a jamais le rôle d’une demoiselle en détresse comme l’on eu Shahkti et Rain dans les deux précédentes séries. Elle véhicule aussi un antinationalisme, puisque la paix mondiale tant recherchée s’accompagne d’une suppression des frontières pour former une unique nation comprenant la Terre et les colonies. À travers le conflit mis en place dans la série, Gundam Wing parle directement de la politique et du militantisme japonais et dresse plusieurs parallèles que le public de l’époque pouvait aisément identifié. Par exemple, le royaume de Sanc est une nation pacifisme en pleine reconstruction, notamment sur le plan international, après avoir été ravagée par la guerre et qui souhaite éviter une nouvelle destruction. On peut facilement y voir une image du Japon post-Hiroshima, qui ne souhaite pas reproduire le traumatisme de la Bombe et cherche à s’imposer auprès de ses alliés (notamment lors de la guerre du Golfe). La Fédération terrestre qui militarise de plus en plus les colonies, évoque l’occupation militaire des États-Unis sur des îles japonaises comme celle d’Okinawa. Ainsi, la nouvelle génération de colons qui n’a jamais vécu sur Terre et qui ne souhaite plus être sous le joug de la Terre, évoque les mouvements militants opposés au traité de sécurité nippo-américain de 1951 des années 1990. Le coup d’État d’OZ peut-être une évocation de l’incident du 26 février, un coup d’État au Japon en 1936 organise par des soldats ultra-nationalistes au sein de l’Armée impériale. Tout comme l’emploi par OZ des scientifiques à l’origine des Gundam, pourrait être perçu comme une sorte d’opération Paperclip. Évidemment, la métaphore à ses limites et ne peut pas correspondre avec exactitude à notre réalité.

Relena, symbole d’une jeunesse japonaise pacifiste et souhaitant apporter du changement.

Par ailleurs, la série fait l’impasse sur certains éléments qui lui permettraient de toucher d’un peu plus près une véritable tangibilité. Celui étant le plus cruellement absent est la représentation de l’opinion publique sur les événements. Bien sûr, l’histoire à l’occasion de s’arrêter à plusieurs reprises sur des personnages civils, non combattants. De même, la remise en question du système politique n’est finalement jamais adressé. L’organisation est chamboulée, avec la suppression des frontières, mais la politique continue d’être menée par une poignée de personnes dont la plupart sont issues de l’aristocratie terrienne. La révolte n’est jamais envisagée sauf de la part des militaires qui sont déjà dans une position dominante par rapport aux populations et souhaitent seulement être calife à la place du calife. De surcroît, les changements de camps ou d’idées sont dues avant tout à un questionnement de la morale des personnages plus que d’une critique de sa place dans le système. Hilde Schbeiker quitte OZ pour rejoindre Duo parce qu’elle n’apprécie pas les méthodes de l’organisation ; au même titre que Treize qui quitte la Fondation à cause d’un désaccord sur l’utilisation d’armes autonomes. Les personnages n’abandonnent jamais leurs ambitions. Pour approfondir sur le sujet de la classe dirigeante, il est curieux de constater qu’elle est finalement capable de faire d’importante concession qui pourtant semblerait aller contre leurs intérêts. Je pense évidemment à l’approbation qu’ils accordent à Relena concernant d’adoption d’une politique pacifiste. Un retournement d’autant plus surprenant pour nous en 2023, dans un monde qui a vu passer la militante Greta Thunberg et l’accueil que lui ont réservé certaines personnalités politiques à travers le monde. Ce qui expliquerait cela est peut-être l’absence d’un autre élément important dans le monde Gundam Wing : la représentation d’un système économique. Les intérêts et le pouvoir ne se retrouvent pas dans la définition des rapports de puissance. Par ailleurs, la pauvreté n’a pas l’air d’exister, ni la question du coût de la guerre, des possibles famines, des coupures d’énergie ou des impacts directs sur la population. Ces éléments, même s’ils n’étaient pas forcément mis en avant, était pourtant bien présent dans les précédentes itérations de la franchise à travers certains personnages : Miharu Ratokie vit dans la pauvreté ; Kets, Letz et Kikka sont des orphelins de guerres ; Uso et Shahkti doivent se débrouiller seul.e.s en temps de guerre ; le Gundam Fight provoque des destructions et suscite de nombreuses critiques, etc.


La Force du cœur

L’un des sujets importants développés dans Gundam Wing est la force de l’humain face à la machine, et de façon plus large la lutte pour préserver son humanité. Évidemment, dans un contexte de crises où les pulsions peuvent prendre le pas sur la raison, c’est un sujet pertinent et mainte fois développé dans des films de guerre (de Requiem pour un massacre à Apocalypse Now). Dans Gundam Wing, c’est donc à travers la machine que l’humanité pourrait disparaître. On observe plusieurs cas de figure dont le plus explicite concerne le remplacement des soldats d’OZ par des systèmes de pilotages autonomes. La guerre devient automatique, froide et calculée, mais sans soldat tué. La décision d’utiliser ses machines est longuement débattu dans la série et provoquera de nombreuses pertes à cause du manque de jugement des machines. C’est un sujet de préoccupation à l’époque et que l’on retrouve notamment dans Neon Genesis Evangelion avec le Dummy System. La prise de contrôle des machines sur le pilote est aussi au cœur du débat avec l’utilisation du System Zero. Décrit comme un système d’assistance au pilotage, il peut en réalité rendre fou son pilote qui perd le contrôle de son corps et de ses pensées. Zechs et les pilotes de Gundam se retrouvent tous à tester l’appareil et ses limites, pour prouver qu’ils sont bien humains et non ronger par la guerre. Une corrosion qui les change en individus froids et calculateurs, ne suivant que la logique au-delà de toutes émotions (à l’image de Heero, Trowan et Wufei).

Heero se confronte au System Zero

Il est intéressant de comparer la série aux deux OVA sorties juste avant et après, Stardust Memory (1991) et The 08th MS Team (1996), pour voir la manière dont chacun traite la figure du combattant. Dans ces deux œuvres, nous suivons des soldats formés au sein d’une troupe. Les caractéristiques misent en avant sont donc avant tout le groupe avant l’individu, la camaraderie, l’entraide et le soutien pour atteindre l’objectif fixé par un commandement. Là où Gundam Wing tente de se démarquer, c’est qu’il cherche à montrer des guerriers et non des soldats. On entend à plusieurs reprises cette distinction dite à travers le personnage de Treize, qui défend l’humanité de chacun de ses combattant au point de connaître le nom de tous ceux qui sont mort pour lui. Contrairement aux soldats qui sont des êtres sans identité propre formant une masse obéissante, le guerrier est une personne qui combat avant tout pour défendre sa vision du monde et non pour répondre à un ordre. Il sait pour qui, et surtout pour quoi il se bat. C’est d’ailleurs ce que devra comprendre Heero, qui commence l’histoire en suivant exclusivement des ordres qu’on lui donne depuis un ordinateur, et qui devra apprendre à retrouver son humanité. 


Dernier acte

Après le succès tonitruant de Gundam Wing, la question d’une suite à la série se pose rapidement. Sumisawa estime qu’il y a encore des choses à raconter et souhaite exploiter plusieurs idées qui n’ont pas été retenu pour la série. Le producteur Tomioka lui donne cette opportunité. C’est ainsi que débute la production d’un OVA en trois épisodes, Endless Waltz, marquant définitivement la fin de l’histoire. Une suite à laquelle ne participe pas Ikeda, qui préfère se consacrer à la réalisation de l’OVA Darkstalker pour le studio Madhouse.

Suite à Gundam Wing, Sunrise enchaîne avec la série Mobile Suit Gundam X. Il confie la réalisation de cette nouvelle itération à Shinji Takamatsu, suite vraisemblablement à son travail sur Wing. Cependant, cette nouvelle série reçoit des accueils négatives et est prématurément annulée après une trentaine d’épisode.


Pour en lire plus


Sources

Laisser un commentaire