Critique – After War Gundam X (1996)

J’arrive bientôt aux termes des séries Gundam des années 1990. After War Gundam X était l’une des séries qui m’intriguait le plus pour la période à laquelle elle est sortie, juste après la diffusion de Neon Genesis Evangelion et à cause de sa mauvaise réception auprès du public. J’ai assez vite compris pourquoi elle avait reçu un tel accueil.


L’histoire se déroule quinze ans après une terrible guerre opposant le gouvernement de la Terre aux forces de révolution des colonies. La planète a été ravagée par le conflit et l’humanité survit du mieux qu’elle peut alors que les bandits font régner la peur. Garrod Roan est un adolescent à qui l’on confie la mission de sauver une fille nommée Tiffa Adil. Il découvrira vite qu’elle détient un étrange pouvoir, et il fera tout pour la protéger à bord du Gundam X, un Mobile Suit ayant servi lors de la Guerre.



Ainsi nous nous retrouvons

Le pitch de base est assez simple et n’aurait demandé qu’à être complexifié au fil des épisodes. Le problème est là : la série évolue assez peu dans sa première partie. Pendant plusieurs épisodes, on n’attend que l’histoire décolle vraiment, que des enjeux plus importants se mettent en place, que les choses soient remises en question, mais cela n’arrivera que dans les derniers épisodes. After War Gundam X ne propose pas 50 épisodes comme il est de coutume pour les séries Gundam. À cause du manque d’audience, le studio Sunrise décide de précipitamment réduire le nombre d’épisodes à 39. De ce fait, la seconde partie de la série est une véritable course pour boucler l’histoire au mieux. Certains nouveaux personnages sont introduits dans les dix derniers épisodes, ce qui ne laisse évidemment pas assez de temps pour les développer correctement ou avoir un quelconque attachement. Paradoxalement, ils sont ceux ayant le plus gros potentiel pour proposer quelque chose d’intéressant. Probablement aussi parce que l’on sait qu’il n’y aura rien de plus sur eux, donc il est facile d’imaginer un meilleur scénario. Par exemple, je pense qu’il aurait été important d’introduire Lancelow Dowell dès la première partie, pour donner de la consistance à Jamil Neet (qui en manque cruellement…) et approfondir le drame de la guerre et des camps qui s’opposent. En fait, le plus gros problème de Gundam X est d’avoir pris trop son temps dans sa première partie. En un sens, ça me rappelle un peu le début de Victory Gundam avec son convoi. Si vous n’avez pas trop apprécié cette série, je pense que Gundam X n’est pas fait pour vous.


Le départ pour l’espace aurait dû arriver plus tôt. Cela aurait permis de dynamiser le scénario et les personnages. Car à part Garrod et Tiffa, ils sont tous plutôt creux au point que je n’ai retenu presque nom… L’équipage du Frieden n’est pas intéressant, et ne semble ne tirer aucune conséquence de leur expérience passée en tant que survivant de la Guerre. Le sujet n’est que très brièvement exploré dans les derniers épisodes (j’avais dit qu’il était les plus intéressants…), mais du coup la série a juste le temps de dire « oui, c’était dur » sans possibilité de développer davantage le propos. Comment l’équipage s’est rencontré ? Qu’est-ce qui les a motivés à suivre Jamil ? Pourquoi et comment Jamil est devenu un Vautour ? J’imagine que certaine de ses réponses auraient dû être données dans des œuvres dérivés si la série avait correctement fonctionné. Cependant, je pense que c’est justement en partie parce que ces informations ne sont pas dans la série (même en filigrane) que Gundam X s’est planté. La première partie est ennuyeuse, fade et trop longue, alors la seconde partie est intéressante, mais trop courte. Du coup, la série est très frustrante. Comme si elle avait pris conscience du potentiel de son univers trop tard. Et je ne parle même pas des deux frères antagonistes que j’ai trouvés démunis de tout charisme.

La seconde partie présente ENFIN des enjeux politiques dans un univers post-Guerre. C’est quand même un comble, car cela aurait dû se faire dès le début. Même Fighter G est plus politique que Gundam X et n’attend pas la fin pour ça. Du coup, on voit enfin deux camps qui s’opposent, des dissensions idéologiques, etc. Et c’est véritablement intéressant, parce qu’on explore finalement le climat socio-politique d’un monde ravagé qui cherchent à se reconstruire malgré le traumatisme. Et on voit enfin comment ce traumatisme est toujours une plaie ouverte pour certaine personne. Pour être honnête, ce n’est pas l’écriture la plus fine et je pense que la série aurait pu (ou du) aller plus loin dans sa représentation de la montée du nationalisme. Par exemple, les armées ont des milliers de soldats, mais leur motivation pour servir dans cette guerre ne sera jamais esquissée.


Je suis un Newtype

J’évoquais en introduction que la série m’intéressait particulièrement pour le lien qu’elle a avec Neon Genesis Evangelion. Gundam X a en réalité très peu de chose à voir avec Eva pendant la majeure partie de son histoire. À part Tiffa qui semble être une sorte de variation de Rei Ayanami, la série m’a plutôt fait penser à Nadia, le secret de l’eau bleue : un capitaine mystérieux, survivant d’un cataclysme qu’il a causé, qui sillonne le monde. avec son équipage à bord de son vaisseau. Par contre, le dernier épisode m’a surpris, car il saute effectivement à pieds joints dans les thématiques d’Evangelion.

Pour comprendre ça, il faut avoir en tête que la série de Gainax propose une interprétation métatextuelle dans ses deux derniers épisodes, invitant les spectateurs (sous-entendu les otakus) à ne pas s’attacher trop à leur univers de fiction, à prendre confiance en eux et à discuter avec les autres pour avancer (je simplifie). Un message que beaucoup ont compris à l’époque et que certains ont aussi mal pris même avant la sortie de The End of Evangelion. Pour comprendre pourquoi Evangelion proposait ce message, outre les obsessions personnelles de Hideaki Anno, il faut également connaître le contexte dans lequel le fandom otaku a évolué et justement son lien avec la franchise Gundam. Pour faire simple, depuis le début des années 1980 et la sortie de la première série, les otakus se sont en partie cristallisé autour de l’idée de Newtype : l’idée selon laquelle leur génération a atteint une sorte de nouvelle forme et qu’ils vivent dans une nouvelle ère avec un idéal à construire. C’était une partie de la motivation derrière l’événement du 22 février 1981 : l’Anime Shin Seiki Sengen Taikai (la « Convention de la Déclaration du Nouveau Siècle d’Anime »). Newtype a été utilisé pour symboliser la communauté otaku et est directement référencé dans le dernier épisode de Gundam X.


Cependant, au milieu des années 1990, le contexte sociétal est désormais bien différent au Japon depuis la fin de la bulle spéculative et le début de la crise. Pour les personnes naît dans les années 1960-1970, la désillusion est parfois importante face à la montée des prix et du chômage. Le Newtypisme n’est plus vraiment à l’ordre du jour, expliquant probablement pourquoi on ne le voyait ni dans Fighter G, ni dans Gundam Wing. Yoshiyuki Tomino lui-même reviendra sur la définition de Newtype. Pourtant, Gundam X fait des Newtype le point central de son récit et de son dénouement. En réalité, cela sert à amener un discours semblable à celui d’Evangelion et qui s’adresse tout autant aux défenseurs absolus de la communauté otaku (représentés par Seidel Rasso) qu’à ses opposants (représentés par Fixx Bloodman).

Dans le dernier épisode, les personnages font la rencontre de D.O.M.E., le premier Newtype. Symboliquement, il peut être vu comme une incarnation de « l’esprit de la première série Gundam« . D’ailleurs, Gundam X est diffusé environ quinze ans après la série originale, comme les quinze ans qui séparent les personnages de la Guerre. D.O.M.E explique qu’il est une sorte de mutation inattendue que certains ont vue comme un guide à suivre, que le mot Newtype aurait dû disparaître avec lui, mais que certains se sont accrochés à l’idée d’en découvrir d’autres. Au final, c’est un message optimiste qui est délivré : les Newtypes n’existent pas, il faut construire le futur que l’on désire sans s’attacher au passé. On retrouve la même idée que dans Evangelion, celle de quitter ses fixations pour communiquer et avancer ensemble. Dans cet épisode, Jamil est l’avatar de l’otaku qui s’est donné pour mission de trouver ses congénères Newtype, sans succès probant. Face à D.O.M.E., il accepte la réalité des faits, et comprend que sa quête est absurde. Symboliquement, il retire ses lunettes de soleil qu’il portait en permanence pour dissimuler son regard. Garrod, qui n’est pas un Newtype, représente le public qui n’a pas connu Mobile Suit Gundam à sa sortie (il n’a pas connu la Guerre), et qui n’accorde pas d’importance à la définition de Newtype. Garrod ne protège pas Tiffa parce qu’elle est une Newtype, mais simplement parce qu’il l’aime, et il doit servir d’exemple à tous.



Je ne sais pas vraiment comment juger After War Gundam X. La série m’a plutôt ennuyée à cause de sa fadeur, avant de réellement en me décevoir, car sa dernière partie montre une partie de son potentielle. Et pourtant, la scène de D.O.M.E. dans le dernier épisode relève la barre à un niveau inattendu. Ce n’est pas extraordinaire pour autant, mais voir ce discours dans Gundam n’était pas dans mes attentes. Je ne reverrai probablement jamais la série dans son intégralité, mais je garderai en mémoire ce passage où la franchise a pris conscience d’elle-même.

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