Critique – Martian Successor Nadesico (1996)

Avant de terminer l’univers After Colony de Gundam avec l’OVA Endless Waltz, j’ai voulu découvrir une série de science-fictions sortie peu de temps avant, réalisé par le jeune studio Xebec : Martian Successor Nadesico de Tatsuo Satō


En 2196, la Terre est en guerre contre des envahisseurs venus de Jupiter après l’invasion de la colonie établie sur Mars. L’entreprise Nergal met au point un vaisseau armé à la pointe de la technologie dans le but de mener une opération de sauvetage sur la planète rouge : le ND-001 Nadesico. Son équipage se compose de personnes aux caractères atypiques. Parmi eux : Akito Tenkawa, le cuisiner et pilote d’un mecha Aestivalis ; et Yurika Misumaru, la jeune capitaine.



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Je ne sais pas vraiment comment aborder Nadesico. Non pas que la série soit particulièrement mauvaise, au contraire, elle est globalement réussie, dynamique et distrayante. Le principal défaut que je lui reproche serait plutôt dans le ton de l’histoire qui oscille beaucoup trop dans le genre de la comédie même dans certains moments se voulant plus sérieux. L’humour est quasiment omniprésent, avec de nombreux moments absurdes suivant les personnalités singulières des personnages. Beaucoup de scènes sont trop facilement désamorcées, ce qui peut réduire l’investissement du spectateur dans l’histoire. Au passage, malgré le grand nombre de personnages, tous parviennent à se démarquer même si on ne retient pas leurs noms ou qu’ils n’ont pas d’épisode qui leur est particulièrement dédié.

La comédie s’inscrit dans ce qui habituellement fait dans la seconde moitié des années 1990 au Japon, avec des jeux de mots, de références plus ou moins obscurs à la culture japonaise et au spiritisme, des expressions sur-exagérées, etc. Mais également, et c’est ce qui me gêne pour parler de Nadesico, une parodie de son propre genre faisant un commentaire sur la série elle-même et ses inspirations. Si j’ai du mal à appréhender Nadesico, c’est parce que son contexte de sortie m’empêche de voir la série pour ce qu’elle propose, mais plutôt pour ce qu’elle est. Je regarde les épisodes pour trouver les codes, les messages et les inspirations, plutôt que pour m’investir pleinement dans l’univers que l’on me propose. Peut-être est-ce dû à un manque d’investissement de ma part dans l’histoire, néanmoins je ne peux pas prétendre que je n’ai pas apprécié la série.


La série aborde de nombreux thèmes, à commencer par les relations amoureuses sous plusieurs aspects, notamment celui de la rupture puisque le protagoniste commence une relation avec un premier personnage avant de rompre au milieu de la série. Le personnage de Minato Haruka évoque un thème similaire en se remettant en couple après sa rupture avec un membre de l’équipage, ainsi que Izumi Maki dont on apprend que son fiancé est mort avant leur mariage. Le personnage de Jun Aoi mentionne le sujet de l’amour non réciproque, sans pour autant pousser la réflexion, bien que la jalousie et la rivalité soient plus largement traitées. La sexualité est abordée, avec Haruka qui évoque sans trop de complexe ses désirs en couple, mais aussi à travers plusieurs blagues et sous-entendu. La série n’est d’ailleurs pas très avare en fan service sans être graveleux. 

Le deuil est également un sujet récurrent, ainsi que la mort qui occupe un long passage comique sur l’importance du respect des funérailles au début du cinquième épisode. Comme il est coutume dans le genre, et plus particulièrement au milieu des années 1990, Nadesico propose un message anti-guerre et pacifiste. L’équipage du Nadesico met un point d’honneur à ne pas faire de victime, étant à bord d’un vaisseau initialement considéré comme un vaisseau de sauvetage, et tentera de mettre un terme au conflit sans pour autant lutter contre un camp ou volonté de rejoindre les forces armées. En dehors du Nadesico, les Aestivalis ne sont pas vraiment mis en avant ou iconiser, leur système de pilotage n’est pas détaillé, ni leurs armes ou leurs capacités.

Let’s Go With Hot Blooded Anime

Nadesico est une série diffusée entre octobre 1996 et mars 1997, soit peu de temps après Neon Genesis Evangelion dont elle reprend plusieurs codes. Plusieurs dessins de production indiquent que la conception des personnages a pris fin à l’été 1996, ce qui laisse effectivement la possibilité de voir d’ores et déjà les influences de la série de Gainax. Par exemple, on retrouve le pilote masculin entouré de femmes ayant toute une attirance pour lui, rappelant une mauvaise interprétation de la dynamique Shinji-Asuka-Rei (mais qui semble être une proto-version du genre harem). De même, la personnalité et le physique de Ruri évoque indubitablement Rei, et elle est (sans grande surprise) l’un des personnages les plus appréciées à l’époque, alors même que son rôle est finalement relativement mineur dans l’histoire. Si on pousse la comparaison encore plus loin, on pourrait rapprocher Nergal de la NERV (organisation paramilitaire ayant développé une machine surpassant toutes les autres et gardant plusieurs secrets), ou voir un parallèle entre Shinji et Akito qui ne souhaitent pas devenir pilotes.


Initiée par Evangelion, Nadesico s’inscrit comme une série véhiculant un message métatextuel à destination de la communauté otaku, tout comme le font également Gundam X et plus tard Dual Parallel. Dans Evangelion et Gundam, ce message est plus ou moins dissimulé au travers des expériences vécus par les personnages, sans jamais explicitement évoquer la communauté qui comprend et interprète le message. Nadesico adopte un aspect beaucoup plus direct en incluant dans sa narration une parodie de ses propres inspirations et du rapport entretenu avec le public. Gekiganger est une série de mecha regardée par les personnages, sorte de mélange entre Mazinger et Getter Robo de notre réalité. L’inclusion de ces références n’est en soi pas incongru, puisque les années 1990 voit le retour à la mode de plusieurs franchises des années 1960/1970 : Getter Robo, Cutie Honey, Casshan, Speed Racer, Devil Lady, Giant Robo, Gatchaman, Polymar, etc. Gundam Fighter G s’inscrit aussi dans cette mouvance en adaptant la franchise au genre du super robot. Grâce à Gekiganger, les personnages de Nadesico deviennent directement une incarnation des spectateurs dans le récit. Comme la communauté otaku, l’équipage du Nadesico se passionne pour la série, possède des peluches, des affiches, des celluloïds, organisent des conventions, réalisent des maquettes et conçoivent des figurines en résine. Je trouve ça atypique de voir les protagonistes mener ce genre d’activité qui les rapproche davantage des héros de Otaku no Video plutôt que ceux d’une série mecha classique.

Cette passion pour Gekiganger est un point important du scénario puisque l’on découvre que les envahisseurs jupitériens sont aussi des fans de la série au point d’y vouer un culte. Là où Evangelion inviter les spectateurs à faire face à la réalité et à ne pas s’enfermer dans des univers fictifs sans jamais citer directement le mot anime, Nadesico est beaucoup plus franc dans ce message tout en adoptant une certaine modération. Le message serait plutôt : « ne devenez pas extrémiste dans votre appréciation d’une série ». Les Jupitériens essaient véritablement de faire vivre la série en considérant Gekiganger comme un texte sacré, contrairement aux protagonistes qui gardent toujours une distanciation entre la fiction et leur réalité. Face à eux, on retrouve plusieurs personnes manifestement explicitement leur désintérêt pour Gekiganger et les séries d’animation. Sans surprise, ils se révèlent comme un troisième camp dans le conflit, et un opposant au Nadesico et aux Jupitériens. La série permet d’explorer un spectre assez large des personnes formant la communauté otaku de l’époque :

  • Akito est le spectateur modéré, appréciant rapidement la série après y avoir été initié.
  • Gai Daigoji est le fan de cosplay qui initie Akito.
  • Megumi Reinard est une ancienne seiyu et chanteuse cherchant à s’éloigner de ce milieu.
  • Hikaru Amano est le modèle de la fan girl.
  • Tsukumo Shiratori est l’otaku qui apprend à dissocier la fiction de la réalité, ce qui est vu comme une trahison par ses semblables.
  • Seiya Uribatake est le passionné de modélisme et de mécanique.


À cause de son contexte de sortie et des thèmes abordés, Martian Successor Nadesico ne parvient pas à me captiver autant que j’aurai voulu. Il n’est pas un divertissement dans lequel m’investir, mais un sujet d’étude d’une période particulière entre avril 1996 et juillet 1997. La série s’est un peu sabordée elle-même, mais parvient tout de même à rester beaucoup plus divertissante que Dual Parallel ou Gundam X grâce à ses personnages et son ton parodique. Nadesico ne devient pas intéressant en lui-même, mais parce qu’il est une réaction à Neon Genesis Evangelion et l’une des premières séries à s’inscrire dans une mouvance « post-Eva ».

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